Friday, December 23, 2005

France : Durcissement pour la huitième fois en dix ans de l'arsenal antiterroriste

Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme devait être définitivement adopté, jeudi 22 décembre, à l'Assemblée nationale et au Sénat. "On a peur des mots comme on a peur d'attraper la grippe aviaire", regrettait son rapporteur, Alain Marsaud (UMP, Haute-Vienne), à l'ouverture de la discussion au Palais-Bourbon, le 23 novembre. Pour mettre fin à la "dictature de l'euphémisme", Nicolas Sarkozy se chargeait de mettre un nom sur le "spectre terroriste" menaçant les démocraties : le "jihadisme global". Prenant toutefois soin de préciser que "la lutte contre le terrorisme n'est en rien un conflit contre l'islam, mais contre des filières, des groupes et des réseaux qui en dévoient la tradition humaniste".


C'est à une "guerre" que le ministre de l'intérieur a appelé la société à se préparer. Une guerre contre "des mouvements ou des groupes implantés à l'étranger", mais aussi contre "des personnes vivant chez nous, recrutées par les structures salafistes, formées dans les écoles du Proche ou du Moyen-Orient", a déclaré M. Sarkozy à l'Assemblée. Et qui dit "guerre" dit armes en proportion avec la menace que fait peser l'"ennemi". Le rapporteur a résumé ainsi la philosophie du texte : "une législation dérogatoire permanente afin d'éviter de devoir adopter des mesures d'exception dans l'urgence".

Au Sénat, l'ancien ministre de la justice Robert Badinter a rappelé que "la démocratie existe seulement dans le respect des libertés". Le sénateur (PS) des Hauts-de-Seine a évoqué le juge Frankfurter, l'inspirateur du tribunal de Nuremberg, qui, pendant la seconde guerre mondiale, s'inquiétait des pouvoirs d'exception sollicités par l'Attorney general des Etats-Unis.

"J'ai (...) une véritable incertitude lorsque je regarde l'extraordinaire cadence des modifications législatives intervenues dans ce domaine", a dit M. Badinter.

En dix ans, huit textes sur la lutte contre le terrorisme ont été soumis au Parlement : la loi du 9 septembre 1986, complétée par celle du 22 juillet 1996, qui créait un délit spécifique, puis par celle du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne. Avec son projet de loi, le gouvernement présente pour la troisième fois en trois ans des mesures visant à renforcer ses moyens d'action. L'arsenal juridique et répressif avait déjà été complété par la loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure et celle du 9 mars 2004 sur l'adaptation de la justice aux nouvelles formes de criminalité. Depuis 1993, le régime de la garde à vue a été modifié six fois, dont trois depuis le 11 septembre 2001. Le nouveau texte autorise la prolongation de la garde à vue jusqu'à six jours s'"il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger".

M. Sarkozy a défendu l'"adaptation permanente du droit aux réalités du temps". Son texte se propose de lever les contraintes administratives et judiciaires qui n'autorisaient certaines procédures de contrôle et de surveillance qu'en cas d'acte terroriste et non en amont. Développement de la vidéosurveillance, contrôle des déplacements et des communications téléphoniques et électroniques, exploitation des données sur les déplacements en sont les principaux ingrédients. Le dispositif pénal est complété pour sanctionner plus sévèrement l'intention et non seulement le fait de commettre des actes terroristes.

Approuvé par l'UMP et l'UDF, le projet de loi s'est heurté à la constante opposition du PCF. Au PS, les députés se sont finalement abstenus, après s'être dits plutôt favorables au texte, alors que les sénateurs ont voté contre. C'est donc au Palais du Luxembourg que se sont exprimées avec la plus grande force les craintes qu'au nom de la lutte contre le terrorisme, on en vienne à entretenir le soupçon contre l'immigration et à empiéter sur les libertés individuelles.

"Il n'est pas compatible avec un Etat de droit que des autorités administratives puissent, en l'absence de toute décision judiciaire ou de tout contrôle du juge, en l'absence même de toute ouverture d'enquête, mettre en oeuvre à tout moment des procédures touchant à la liberté d'aller et venir et tendant à contrôler la libre circulation des personnes, les déplacements ou la tenue de réunions, de manifestations et d'événements particuliers, a plaidé Jean-Pierre Sueur (PS, Loiret). La plus grande victoire des terroristes serait de nous conduire à renoncer à l'Etat de droit." Les sénateurs socialistes devaient annoncer, jeudi, leur intention de saisir le Conseil constitutionnel.



Patrick Roger

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PRINCIPALES MESURES


VIDÉOSURVEILLANCE.
Extension aux personnes privées des motifs permettant l'installation de caméras aux abords des bâtiments. Possibilité d'accès direct aux images par les services de police et de gendarmerie.



TRANSPORTS ET INTERNET.
Extension des contrôles d'identité, obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers. Obligation de conservation et de transmission des données de connexion Internet.

EXÉCUTION DES PEINES.
Aggravation des peines encourues en cas de préparation d'un acte terroriste. Possibilité de prolongation de la garde à vue jusqu'à six jours. Augmentation du délai pendant lequel peut être prononcée la déchéance de la nationalité française.

Tuesday, December 13, 2005

Adoption de la loi relative au traitement de la récidive

Le Sénat puis l'Assemblée nationale ont adopté définitivement les 22 et 24 novembre le texte de la proposition de loi sur la récidive pénale. Ce texte renforce la répression de la récidive et institue de nouvelles mesures de suivi des condamnés "dangereux". Ainsi, il élargit les catégories de délits assimilés en matière de récidive et prévoit l'incarcération obligatoire à l'audience des délinquants sexuels ou violents récidivistes. De même, il limite le nombre de sursis avec mise à l'épreuve dont les récidivistes pourront bénéficier. Il diminue la durée des réductions de peine applicables aux récidivistes. Les dispositions principales du texte instituent le placement sous surveillance électronique mobile pour les délinquants sexuels et violents. Ce placement pourra être prononcé à titre de mesure de sûreté dans le cadre d'une condamnation à un suivi socio-judiciaire, si la peine prononcée est d'au moins sept ans d'emprisonnement. Sa durée sera de deux ans, renouvelable une fois pour un délit et deux fois pour un crime. Ce placement pourra également consister en une des obligations soit de la libération conditionnelle, soit d'une nouvelle modalité d'application des peines, la surveillance judiciaire. La mise en oeuvre de la mesure - mais non son prononcé - nécessitera le consentement de la personne concernée et les mineurs en seront exclus.

Saturday, December 03, 2005

France : Le Comité contre la torture rend ses conclusions sur le rapport de la France

L'organe des Nations unies dresse un constat mitigé sur la procédure d'asile et le refoulement des étrangers.



Conformément à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1984, le comité a examiné le troisième rapport périodique de la France et a présenté ses conclusions le 25 novembre 2005.

Il se félicite d’un certain nombre d’aspects positifs : création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente.

Cependant, regrettant que le rapport ait été soumis avec six ans de retard, le comité souligne de nombreux sujets de préoccupation et formule plusieurs recommandations :

– préoccupé par la procédure d’asile en vigueur qui augmente la probabilité de renvoi vers un État où la personne risque d’être soumise à la torture et par le caractère « expéditif » de la procédure prioritaire, le comité recommande l’adoption d’une procédure permettant de distinguer les demandes reposant sur l’article 3 de la convention de 1984 (« Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, […] une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ») et la mise en place d’un examen approfondi de ces demandes ;

– préoccupé par le caractère non suspensif des procédures disponibles contre la décision de non-admission sur le territoire français, le comité « réitère sa recommandation » d’instaurer un recours suspensif et effectif contre de telles décisions il recommande également que toute personne non admise puisse à nouveau bénéficier « d’office » du délai d’un jour franc ;

– préoccupé par le fait que la loi du 10 décembre 2003, qui introduit les notions d’asile interne et de pays d’origine sûr, ne permette pas de garantir une protection absolue contre le risque de renvoi d’une personne vers un pays où elle est susceptible d’être soumise à la torture, le comité recommande que les personnes auxquelles s’appliquent ces notions voient leur demande examinée au regard de leur situation personnelle et en pleine conformité avec les dispositions de la convention de 1984 ;

– suite aux violences dans les villes françaises, le comité est « sérieusement préoccupé par les déclarations du ministre de l’intérieur demandant aux préfets d’ordonner l’expulsion immédiate des personnes condamnées durant ces émeutes, indépendamment de leur statut administratif ». Il demande à ce que l’article 3 de la convention soit respectée et souligne que « l’expulsion ne devrait pas être utilisée comme une mesure punitive » ;

– le comité demande à la France de lui fournir des informations « sur les allégations qu’il a reçues concernant des arrestations collectives de personnes en vue d’être placées dans des centres de rétention administrative dans l’attente d’un renvoi » ;

– prenant note des nouvelles directives adoptées pour les opérations d’éloignement forcé, le comité recommande leur mise en œuvre effective et la présence « d’observateur des droits de l’homme ou de médecins indépendant à l’occasion de tous les éloignements forcés en avion » ;

– enfin, le comité critique la France pour n’avoir pas sursis à l’expulsion d’un requérant individuel (article 22 de la convention) et recommande à l’État de garantir qu’à l’avenir toute demande de mesures provisoires soit respectée.



> Comité contre la torture, conclusions sur le rapport de la France, 25 nov. 2005
Repères
Le projet de normes des Nations Unies sur la responsabilité des transnationales en matière de droits humains
61ème session de la CDH NU du 14 mars au 22 avril 2005
samedi 5 mars 2005.

La Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, à l’occasion de sa 61ème session à Genève du 14 au 22 avril 2005 aura à statuer sur un projet de normes des Nations Unies sur la responsabilité des transnationales en matière de droits humains. Ce projet de normes constitue une réelle avancée parce qu’il offre une revue complète des obligations auxquelles sont déjà soumises les entreprises transnationales et qu’il les universalise. Des améliorations du projet sont d’ores et déjà souhaitables.

Le projet de Normes sur les responsabilités des sociétés transnationales et autres entreprises en matière de droits humains a été adopté par la sous Commission des Nations Unies pour les Droits de l’homme en 2003. Pour qu’il soit adopté par les Nations Unies il faut encore qu’il soit approuvé par la Commission des Nations Unies pour les droits de l’Homme elle-même, puis par le Conseil Economique et Social (ECOSOC) des Nations Unies.

Le projet de normes : une avancée réelle

Le projet de Normes ne crée pas de nouvelles obligations, mais offre une revue complète des obligations auxquelles sont déjà soumises les entreprises selon les Traités et Conventions onusiens existants, et détaille concrètement ce que signifient ces obligations pour les entreprises. En l’état actuel, les normes ne sont pas plus contraignantes que les initiatives existantes dans leur périmètre respectif. Les articles 17 et 18 des Normes précisent toutefois déjà que « les Etats mettent en place et renforcent le cadre juridique et administratif nécessaire pour assurer l’application par les sociétés transnationales et autres entreprises des Normes et autres textes nationaux et internationaux pertinents », et que « s’agissant de fixer des dommages intérêts ou d’imposer des sanctions pénales, et à tous autres égards, les tribunaux nationaux et/ou internationaux font application des présentes Normes ».

Les Normes présentent les caractéristiques suivantes :

Elles soulignent l’indivisibilité de tous les droits humains ;
Elles s’appliquent à TOUTES les entreprises, procurant une trame commune parmi les multiples codes de conduite existants ;
Elles se fondent uniquement sur le droit international existant et reconnaissent donc l’existence d’une communauté internationale fondée sur le droit, dont l’Etat est l’unité de base : les Normes reconnaissent la responsabilité première des Etats en matière de respect, protection, promotion et mise en œuvre des droits humains ;
Elles rappellent que les sociétés transnationales ont des obligations en matière de respect des droits humains et de la souveraineté nationale des Etats, et cela partout dans le monde.

Enfin, les normes prévoient que les entreprises doivent intégrer les normes aux « contrats et accords conclus avec des tiers », ce qui tend à établir la responsabilité solidaire des sociétés transnationales avec leurs fournisseurs, sous-traitants et preneurs de licence. Il importe en effet que les sociétés transnationales soient tenues pour responsables sur l’ensemble du processus de production, de distribution et de commercialisation qu’elles dirigent.

Des améliorations sont souhaitables, dès maintenant

Au moins deux types d’amélioration au projet de Normes sont d’ores et déjà souhaitables :
1ère piste d’amélioration : Créer des mécanismes contraignants de mise en œuvre et d’application des Normes. Ils sont certes évoqués par le texte, mais de façon vague. Or c’est l’élément clé si l’on veut que les Normes constituent une avancée significative. Il serait nécessaire de prévoir la mise sur pied d’un tribunal qui puisse juger les entreprises pour violations des droits humains, ou bien la possibilité de les juger dans le cadre de tribunaux internationaux existants.
2ème piste d’amélioration : le texte des Normes devrait prévoir le principe de la responsabilité civile et pénale des dirigeants des sociétés transnationales pour les violations commises par les entreprises qu’ils dirigent. Sinon, en cas de sanctions, elles risquent de ne viser surtout que les exécutants, cadres subalternes ou travailleurs.

En outre, si le texte suggère la responsabilité solidaire des sociétés transnationales avec leurs fournisseurs, sous-traitants et preneurs de licence, il pourrait être renforcé sur ce point. Ainsi, les sociétés transnationales devraient être tenues pour responsables du respect des Normes sur l’ensemble du processus de production, de distribution et de commercialisation qu’elles dirigent. L’ONU doit notamment pousser les Etats à adopter des législations qui rendent les sociétés transnationales légalement responsables, dans leur propre pays (celui où est basé leur siège), pour des violations de droits humains commises par elles ou leurs sous traitants ailleurs.

Le projet de normes est exposé au risque d’un enterrement lors de la 61ème session de la CDH NU

Aujourd’hui, la tendance serait plutôt à l’édulcoration sinon à l’enterrement du projet. Si, en avril 2004, la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies avait maintenu sur son agenda ce projet de Normes, elle ne s’était pour autant pas prononcée directement sur le texte. Elle s’était simplement engagée alors à discuter lors de sa 61ème session de mars-avril 2005 des possibilités de renforcer et mettre en œuvre les différents standards existant en matière de responsabilité des entreprises. La Commission des Nations Unies avait alors tenu à minimiser la portée du projet de Normes de la Sous commission en soulignant, toujours en avril 2004, que ces Normes n’ont « aucune valeur juridique », ceci avant même que n’ait été élaboré le rapport du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme sur ce sujet qui doit lui être soumis en mars 2005. Par ailleurs ce rapport du Haut Commissariat doit définir « la portée et le statut juridique » non seulement des Normes de la Sous-commission, mais de toutes les « initiatives et normes existantes » sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains. Il y a là un risque de dilution des Normes parmi d’autres standards, pour éviter de se prononcer spécifiquement sur ce texte. Il semble que les gouvernements des Etats-Membres de l’Union Européenne se soient accordés pour recommander à la CDH NU d’inscrire le projet de normes dans un cadre plus global concernant la responsabilité des transnationales. Une telle recommandation ne peut manquer de repousser encore la perspective de voir le projet de Normes enfin adopté. Dans le même temps, le Parlement Européen, de son côté, a exprimé son soutien à l’adoption du projet de Normes.

ONU : Normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales et autres entreprises

Normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales et autres entreprises, U.N. Doc. E/CN.4/Sub.2/2003/12/Rev.2 (2003).*

* Adoptées à la 22e séance, le 13 août 2003.


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Préambule

Gardant à l’esprit les principes et obligations de la Charte des Nations Unies, en particulier le Préambule et les Articles 1, 2, 55 et 56, notamment en ce qui concerne la promotion du respect universel et de l’observation des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

Rappelant que la Déclaration universelle des droits de l’homme proclame un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que les gouvernements, les autres organes de la société et les individus s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés, y compris l’égalité de droits des femmes et des hommes et la promotion du progrès social et de meilleures conditions de vie dans une liberté
plus grande et d’en assurer, par des mesures progressives, la reconnaissance et l’application universelle et effective,

Constatant que, même si les États ont la responsabilité première de promouvoir, respecter, faire respecter et protéger les droits de l’homme et de veiller à leur réalisation, les sociétés ransnationales et autres entreprises, en tant qu’organes de la société, ont, elles aussi, la responsabilité de promouvoir et de garantir les droits de l’homme énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme,

Sachant que les sociétés transnationales et autres entreprises, leurs cadres et les personnes travaillant pour elles sont aussi tenus de respecter les principes et normes faisant l’objet d’une reconnaissance générale énoncés dans de nombreuses conventions des Nations Unies et autres instruments internationaux tels que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention contre l’esclavage et la Convention additionnelle sur l’abolition de l’esclavage, la traite des esclaves, et les institutions et pratiques équivalant à l’esclavage, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, les quatre Conventions de Genève et leurs deux Protocoles additionnels relatifs à la protection des victimes des conflits armés, la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, des groupes et des organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, la Convention sur la diversité biologique, la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, la Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, la Déclaration sur le droit au développement, la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, le Plan d’application du Sommet mondial pour le développement durable, la Déclaration du Millénaire des Nations Unies, la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme, le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel adopté par l’Assemblée mondiale de la santé, les Critères éthiques applicables à la promotion des médicaments ainsi que la politique de la santé pour tous au XXIe siècle de l’Organisation mondiale de la santé, la Convention de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, les conventions et recommandations de l’Organisation internationale du Travail, la Convention et le Protocole relatifs au statut des réfugiés, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Convention interaméricaine des droits de l’homme, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales internationales,

Tenant compte des normes du travail énoncées dans la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale et dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du Travail,

Ayant à l’esprit les Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales et le Comité de l’investissement international et des entreprises multinationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques,

Ayant à l’esprit également le Pacte mondial proposé par l’ONU, qui appelle les dirigeants du monde des affaires à «adopter et appliquer» neuf principes de base concernant les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs et l’environnement,

Consciente du fait que la Sous-Commission du Conseil d’administration sur les entreprises multinationales, le Conseil d’administration, la Commission de l’application des normes ainsi que le Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du Travail ont nommément désigné les entreprises impliquées dans le non-respect de la part de gouvernements des Conventions no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et no 98 sur le droit
d’organisation et de négociation collective, et désireuse de compléter et de soutenir leurs efforts pour encourager les sociétés transnationales et autres entreprises à protéger les droits de l’homme,

Consciente également du Commentaire des Normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises et estimant que les observations et l’interprétation qu’il contient sont des plus utiles,

Prenant note des tendances mondiales qui ont accru l’influence des sociétés transnationales et autres entreprises sur l’économie de la plupart des pays comme dans les relations économiques internationales, ainsi que du nombre croissant d’autres entreprises qui opèrent au-delà des frontières nationales selon diverses modalités, créant des activités économiques qu’aucun système national n’a à lui seul la capacité de contrôler,

Notant que les sociétés transnationales et autres entreprises ont la capacité d’accroître le bien-être économique, le développement, le progrès technologique et la richesse, mais qu’elles peuvent aussi avoir des effets nuisibles sur l’exercice des droits de l’homme et la vie des personnes du fait de leurs pratiques et opérations commerciales de base, notamment leurs pratiques en matière d’emploi, leurs politiques environnementales, leurs relations avec leurs fournisseurs et avec les consommateurs, leurs interactions avec les gouvernements et autres activités,

Notant aussi que de nouvelles questions et préoccupations relatives aux droits de l’homme surgissent sans cesse et que les sociétés transnationales et autres entreprises y sont souvent liées, au point qu’il importe de poursuivre l’élaboration et l’application de normes tant à l’heure actuelle qu’à l’avenir,

Reconnaissant le caractère universel, indivisible, interdépendant et solidaire des droits de l’homme, y compris le droit au développement, en vertu duquel chaque personne et tous les peuples ont le droit de prendre part et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique permettant le plein exercice de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales, ainsi que d’en bénéficier,

Réaffirmant que les sociétés transnationales et autres entreprises, leurs cadres - gestionnaires, membres du conseil d’administration ou directeurs et autres - et les personnes travaillant pour elles ont, entre autres, des obligations et des responsabilités dans le domaine des droits de l’homme et que les présentes normes contribueront à la création et au développement d’un droit international concernant ces responsabilités et obligations,

Proclame solennellement les présentes normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises, en demandant instamment qu’aucun effort ne soit ménagé pour les faire largement connaître et respecter.

A. Obligations générales

1. Les États ont la responsabilité première de promouvoir, respecter, faire respecter et protéger les droits de l’homme reconnus tant en droit international qu’en droit interne, et de veiller à leur réalisation et, notamment, de garantir que les sociétés transnationales et autres entreprises respectent ces droits. Dans leurs domaines d’activité et leurs sphères d’influence propres, les sociétés transnationales et autres entreprises sont elles aussi tenues de promouvoir, respecter, faire respecter et protéger les droits de l’homme reconnus tant en droit international qu’en droit interne, y compris les droits et intérêts des populations autochtones et autres groupes vulnérables, et de veiller à leur réalisation.

B. Droit à l’égalité des chances et à un traitement non discriminatoire

2. Les sociétés transnationales et autres entreprises garantissent l’égalité des chances et de traitement conformément aux instruments internationaux pertinents, à la législation nationale et au droit international relatif aux droits de l’homme dans le but d’éliminer toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques, la nationalité d’origine, l’origine sociale, la condition sociale, la qualité d’autochtone, le handicap, l’âge - excepté pour les enfants, qui peuvent bénéficier d’une protection plus grande - ou autre qualité de la personne n’ayant aucun rapport avec son aptitude à exercer un emploi, ou de se conformer aux mesures spécifiquement destinées à remédier aux effets de la discrimination dont certains groupes ont été victimes par le passé.

C. Droit à la sécurité de la personne

3. Les sociétés transnationales et autres entreprises ne participent pas à des crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides, actes de torture, disparitions forcées, pratiques de travail forcé ou obligatoire, prises d’otage, exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, autres violations du droit international humanitaire et d’autres crimes internationaux contre la personne tels que définis par le droit international, en particulier le droit humanitaire et le droit relatif
aux droits de l’homme, ni n’en tirent profit.

4. Les dispositifs prévus pour assurer la sécurité des sociétés transnationales et autres entreprises sont conformes tant aux normes internationales relatives aux droits de l’homme qu’aux lois et aux normes professionnelles du ou des pays où elles exercent leurs activités.

D. Droits des travailleurs

5. Les sociétés transnationales et autres entreprises n’ont pas recours au travail forcé ou obligatoire, interdit par les instruments internationaux pertinents et la législation nationale ainsi que par les normes internationales relatives aux droits de l’homme et le droit international humanitaire.

6. Les sociétés transnationales et autres entreprises respectent le droit des enfants d’être protégés de l’exploitation économique, interdite par les instruments internationaux pertinents et la législation nationale ainsi que par les normes internationales relatives aux droits de l’homme et le droit international humanitaire.

7. Les sociétés transnationales et autres entreprises assurent à leur personnel l’hygiène et la sécurité sur les lieux de travail conformément aux instruments internationaux pertinents et à la législation nationale ainsi qu’aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.

8. Les sociétés transnationales et autres entreprises offrent à leurs employés une rémunération qui assure aux intéressés ainsi qu’à leur famille des conditions de vie décentes. Cette rémunération tient dûment compte de leurs besoins, dans l’optique d’une amélioration progressive de leurs conditions de vie.

9. Les sociétés transnationales et autres entreprises garantissent la liberté d’association et reconnaissent effectivement le droit à la négociation collective en protégeant le droit de leurs employés de former les organisations de leur choix et, dans le respect des règles de l’organisation concernée, de s’y affilier sans distinction, autorisation préalable ou ingérence, pour la protection de leurs intérêts professionnels et à d’autres fins de négociation collective, conformément aux conventions pertinentes de l’Organisation internationale du Travail.

E. Respect de la souveraineté nationale et des droits de l’homme

10. Les sociétés transnationales et autres entreprises reconnaissent et respectent les normes applicables du droit international, les dispositions législatives et réglementaires ainsi que les pratiques administratives nationales, l’état de droit, l’intérêt public, les objectifs de développement, les politiques sociale, économique et culturelle y compris la transparence, la responsabilité et l’interdiction de la corruption, et l’autorité des pays dans lesquels elles opèrent.

11. Les sociétés transnationales et autres entreprises n’offrent, ne promettent, ne donnent, n’acceptent, ne tolèrent et n’exigent aucun pot-de-vin ou autre avantage indu ni n’en bénéficient sciemment et aucun gouvernement, fonctionnaire, candidat à une fonction élective, membre des forces armées ou des forces de sécurité ni aucun autre individu ou entité ne peut leur demander ou en attendre un pot-de-vin ou autre avantage indu. Les sociétés transnationales et autres entreprises s’abstiennent de toute activité aidant, incitant ou encourageant les États ou toute autre entité à enfreindre les droits de l’homme. Elles veillent à ce que les biens et services qu’elles offrent et produisent ne soient pas utilisés pour violer les droits de l’homme.

12. Les sociétés transnationales et autres entreprises respectent les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que les droits civils et politiques et contribuent à leur réalisation, en particulier le droit au développement, à une alimentation adéquate et à l’eau potable, au meilleur état de santé physique et mentale possible, à un logement approprié, à la protection de la vie privée, à l’éducation, et à la liberté de pensée, de conscience et de religion et à la liberté d’opinion et d’expression, et s’abstiennent de toute action qui entraverait ou empêcherait la réalisation de ces droits et libertés.

F. Obligations visant la protection du consommateur

13. Les sociétés transnationales et autres entreprises adoptent des pratiques loyales en matière d’opérations commerciales, de commercialisation et de publicité et prennent toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité et la qualité des produits et services qu’elles fournissent. Elles ne produisent, distribuent ni ne commercialisent des produits dangereux ou potentiellement dangereux pour les consommateurs ni n’en font la publicité.

G. Obligations visant la protection de l’environnement

14. Les sociétés transnationales et autres entreprises mènent leurs activités conformément aux lois, réglementations, pratiques administratives et politiques nationales relatives à la préservation de l’environnement en vigueur dans les pays où elles opèrent, ainsi que conformément aux accords, principes, normes, responsabilités et objectifs internationaux concernant l’environnement, et dans le respect des droits de l’homme, de la santé et de la sécurité publiques, de la bioéthique et du principe de précaution. En règle générale, elles conduisent leurs activités de manière à contribuer à la réalisation de l’objectif plus général du développement durable.

H. Dispositions générales visant la mise en œuvre

15. À titre de première étape dans l’application des présentes Normes, chaque société transnationale ou autre entreprise adopte, diffuse et applique des règles internes de fonctionnement conformes à ces Normes. De plus, elles adoptent d’autres mesures pour permettre la mise en œuvre complète des Normes et garantir au moins une application rapide des protections prévues par les Normes et présentent régulièrement des rapports sur les mesures prises. Chaque société transnationale ou autre entreprise applique les Normes et les intègre à ses contrats ou autres accords et transactions avec des partenaires, sous-traitants, fournisseurs, concessionnaires, distributeurs ou toute autre personne physique ou morale qui conclut quelque accord que ce soit avec la société ou l’entreprise afin de garantir l’application et le respect des Normes.

16. Les sociétés transnationales et autres entreprises font l’objet de contrôles et vérifications périodiques, par des mécanismes des Nations Unies et d’autres mécanismes nationaux et internationaux existants ou à créer, portant sur l’application des Normes. Ce contrôle est transparent et indépendant et prend en compte l’apport des parties intéressées (y compris des organisations non gouvernementales), ainsi que, par conséquent, les plaintes déposées pour violation des Normes. De plus, les sociétés transnationales et autres entreprises conduisent des évaluations périodiques de l’impact de leurs propres activités sur les droits de l’homme au regard des Normes.

17. Les États mettent en place et renforcent le cadre juridique et administratif nécessaire pour veiller à l’application par les sociétés transnationales et autres entreprises des Normes et autres textes nationaux et internationaux pertinents.

18. Les sociétés transnationales et autres entreprises offrent une réparation rapide, efficace et adéquate aux personnes, entités et communautés qui ont pâti du non-respect des présentes Normes, sous la forme de réparations, restitution, indemnisation ou remise en état pour tous dommages ou perte de biens. Aux fins de la détermination des dommages subis, en matière de sanctions pénales et dans tout autre contexte, les présentes Normes sont appliquées par les tribunaux nationaux et/ou les tribunaux internationaux, conformément au droit interne et au droit international.

19. Aucune disposition des présentes Normes ne peut être interprétée comme diminuant, restreignant ou affectant d’une manière défavorable les obligations des États en matière de droits de l’homme découlant du droit interne et du droit international, les normes plus protectrices des droits de l’homme ou les autres obligations ou responsabilités des sociétés transnationales et autres entreprises dans des domaines autres que les droits de l’homme.

I. Définitions

20. L’expression «société transnationale» désigne une entité économique opérant dans plus d’un pays ou un ensemble d’entités économiques opérant dans plus d’un pays - quelle que soit leur forme juridique, que ce soit dans le pays du siège ou le pays d’activité et que les entités en question soient considérées individuellement ou collectivement.

21. L’expression «autre entreprise» désigne toute entité industrielle ou commerciale – société transnationale, entrepreneur, sous-traitant, fournisseur, titulaire de licence ou distributeur –, quelles que soient la nature, internationale ou nationale, de ses activités, sa forme juridique - société de capitaux, société de personnes ou autre - et la répartition de son capital social. Les présentes Normes sont présumées applicables en pratique si l’entreprise entretient des relations d’affaires avec une société transnationale, si l’impact de ses activités n’est pas uniquement local ou si ses activités entraînent des violations du droit à la sécurité comme indiqué aux paragraphes 3 et 4.

22. L’expression «partie intéressée» comprend les actionnaires, les autres propriétaires, les travailleurs et leurs représentants, ainsi que tout autre individu ou groupe sur lequel les activités de la société ou de l’entreprise ont une incidence. Le terme «partie intéressée» doit être interprété dans un sens fonctionnel à la lumière des objectifs des présentes Normes et englobe les parties indirectement intéressées lorsqu’elles sont ou seront substantiellement touchées dans leurs intérêts par les activités de la société ou de l’entreprise. Outre les parties directement touchées par les activités des entreprises, le terme peut inclure des parties qui sont indirectement touchées telles que les associations de consommateurs, les clients, les gouvernements, les communautés avoisinantes, les communautés et peuples autochtones, les ONG, les établissements publics et privés de crédit, les fournisseurs, les organisations professionnelles et autres.

23. Les expressions «droits de l’homme» et «normes internationales relatives aux droits de l’homme» recouvrent les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux tels qu’énoncés par la Charte internationale des droits de l’homme et les autres instruments relatifs aux droits de l’homme, ainsi que le droit au développement et les droits reconnus par le droit international humanitaire, le droit international des réfugiés, le droit international du travail et les autres instruments pertinents adoptés au sein du système des Nations Unies.



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Total a voulu acheter le silence sur ses agissements en Birmanie

DROITS DE L'HOMME - Total a voulu acheter le silence sur ses agissements en Birmanie

L'argent ne fait pas le bonheur, paraît-il. Et le groupe pétrolier français Total vient de découvrir que l'argent ne permet même pas d'acheter le silence ! En tout cas pas celui d'Aung Maw Zin et de ses avocats, note Le Soir. Cet opposant à Rangoon a introduit en 2002 à Bruxelles "une plainte devant la cour d'assises contre la société et ses responsables pour complicité de crimes contre l'humanité. L'argument développé est que Total apporte un soutien moral, financier et logistique" à la junte birmane. Laquelle est "un régime peu fréquentable", précise le quotidien belge.


Un euphémisme, pour qualifier l'une des pires dictatures de la planète, avec laquelle Total a longtemps et beaucoup collaboré alors que toutes les associations de défense des droits de l'homme de la planète appellent à boycotter ce régime. Certaines de ces associations considèrent d'ailleurs que Total a non seulement soutenu la junte mais que par certaines de ses demandes ou certains de ses agissements, le groupe pétrolier a même encouragé des exactions. Ce que conteste, bien sûr, la multinationale.

Depuis le dépôt de la plainte d'Aung Maw Zin, Total fait des pieds et des mains pour empêcher que la procédure aboutisse. Avec des hauts et des bas. Le 13 avril 2005 marquait un bas pour la compagnie pétrolière française : ce jour-là, la cour d'arbitrage belge s'opposait à l'arrêt des poursuites envisagé par le ministère public.

Craignant que le scandale aille plus avant, l'entreprise entre alors en contact avec les avocats du plaignant en vue d'un règlement à l'amiable, raconte le quotidien, leur proposant le "retrait de leur plainte contre une grosse somme d'argent". Les négociateurs du groupe pétrolier exigent dans le même temps une complète confidentialité sur l'opération. D'ailleurs, Total a affirmé au journaliste du Soir "ne pas avoir connaissance d'une telle proposition".

Quelques mois plus tôt, relève encore Le Soir, "la société américaine Unocal, partenaire de Total en Birmanie, également empêtrée dans un marathon judiciaire (aux Etats-Unis), avait versé 30 millions de dollars (environ 25 millions d'euros) à des plaignants pour qu'ils retirent leurs plaintes". Mais Total a eu moins de chance qu'Unocal : Aung Maw Zin refuse l'offre d'argent, voulant continuer la procédure jusqu'au bout, "pour ceux qui sont restés en Birmanie".

Depuis, le pétrolier français a obtenu la fin des poursuites, "sans que la justice se penche sur le fond du dossier", remarque Le Soir. La Cour de cassation a en effet décidé que, techniquement, la plainte ne pouvait être reçue, du fait de modifications apportées à la loi de compétence universelle qui lui servait de support. "Seule une nouvelle loi pourrait contraindre à rouvrir le dossier", reconnaît Le Soir. Avant de conclure que "plusieurs parlementaires se sont engagés à voter ce nouveau texte. Aung Maw Zin attend."

Courrier international - 2 déc. 2005

Soudan : Des groupes de défense de droits recommandent une action de l'ONU

Inter Press Service (Johannesburg)
ACTUALITÉS
1 Décembre 2005
Publié sur le web le 2 Décembre 2005

By Julia Spurzem


- Des autorités soudanaises et des chefs rebelles du Darfour ont entamé une septième série de pourparlers de paix mardi à Abuja, au Nigeria, au moment où des militants des droits de l'Homme intensifiaient les pressions sur les Nations Unies pour que des sanctions soient prises à l'encontre du gouvernement à Khartoum.

Les discussions ont été retardées pendant une semaine pour permettre la médiation entre les deux chefs du principal groupe rebelle, l'Armée de libération du Soudan (SLA), qui revendiquent tous les deux la présidence du mouvement. Les deux chefs rebelles ont accepté de prendre part aux pourparlers et l'Union africaine (UA) les a emmenés par avion à Abuja, où le septième round de discussions parrainées par l'UA s'est ouvert.

Six précédents rounds ont débouché sur très peu de choses si ce n'est une déclaration de principes entre les deux principaux groupes rebelles du Darfour et le gouvernement. Des observateurs ont affirmé qu'ils voyaient très peu d'espoir de succès pour ce round après une scission à la tête de la SLA au début du mois d'octobre. Mais l'UA espère toujours des avancées.

Une déclaration publiée par le Conseil de paix et de sécurité de l'UA a indiqué que l'UA "étudiera des mesures appropriées futures, y compris des sanctions, à prendre contre toute partie qui sapera ou constituera un obstacle au processus de paix au Darfour".

La semaine dernière, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU -- Kofi Annan -- pour le Soudan, Jan Pronk, s'est rendu dans le pays pour rencontrer différents groupes impliqués dans le conflit. Il espérait que les deux chefs de la SLA prendraient part aux pourparlers à Abuja.

La priorité était d'obtenir un accord avec une signature "qui signifie quelque chose", a-t-il déclaré. Pronk a délivré un message aux deux leaders de la SLA, affirmant : "vous devez vous rencontrer pour négocier pour le bien de votre peuple".

Mais des activistes des droits de l'Homme notent que la situation humanitaire au Darfour ne s'est pas améliorée au cours du mois d'octobre, et exhortent les Nations Unies à prendre des sanctions contre le gouvernement soudanais, qui n'est pas parvenu à désarmer les milices, à mettre fin à l'impunité et à protéger les civils.

"La protection des civils ne s'est pas du tout améliorée malgré les nombreuses résolutions votées au Conseil de sécurité", a déclaré Georgette Gagnon, directrice adjointe de la Division Afrique de Human Rights Watch, dans un point de presse à l'ONU.

Ensemble avec Sali Mahmoud Osman, un avocat de 'Sudan Organisation Against Torture' (Organisation contre la torture au Soudan), qui travaille avec des victimes de violations des droits de l'Homme dans la région en proie aux troubles, Gagnon a parlé de la situation actuelle au Darfour et du rôle de l'ONU pour mettre fin au conflit.

Osman estime que la situation au Darfour ne s'est pas améliorée parce que les résolutions n'ont pas été mises en Å"uvre. "C'est la chose la plus importante. Sans la mise en Å"uvre, il apparaît que la communauté internationale n'est pas sérieuse à propos de la situation", a-t-il dit à IPS.

Osman a demandé aux Etats-Unis et à d'autres membres du Conseil de sécurité de mettre fin à ce qu'il a décrit comme une "impasse" dans le processus de sanctions. Il a critiqué trois membres -- la Chine, la Russie et l'Algérie -- pour avoir bloqué les tentatives du Conseil de sécurité de prendre des sanctions contre le gouvernement de Khartoum ou les milices soutenues par le gouvernement.

"La Chine, la Russie et l'Algérie ne se soucient pas beaucoup de la situation humanitaire au Darfour", a souligné osman.

Human Rights Watch et lui se focalisent sur d'autres membres puissants du Conseil de sécurité, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, pour prendre le contrôle du plan et s'assurer que les trois Etats membres ne bloqueront pas les sanctions.

Les Etats membres devraient également condamner l'éventualité que le Soudan prenne la présidence de l'Union africaine en janvier, selon les activistes.. "Nous croyons fermement que cela ne devrait pas arriver", a affirmé Gagnon. "En fin de compte, la décision revient à l'Union africaine elle-même".

Plus tôt en novembre, les directeurs des divisions Afrique et Washington de Human Rights Watch ont envoyé une lettre ouverte au sous-secrétaire d'Etat américain Robert Zoellick, qui a récemment rencontré différentes factions du conflit au Kenya.

La lettre exhortait Zoellick à exiger la coopération totale du gouvernement soudanais avec des agences étrangères de surveillance et d'aide, et demandait au gouvernement de démontrer son attachement aux droits de l'Homme et à la paix à travers des actions plutôt que des mots.

"Nous vous exhortons à faire en sorte que le gouvernement américain joue le rôle principal au Conseil de sécurité de l'ONU en produisant une résolution à cet effet", indiquait la lettre.

Osman veut également qu'on recentre l'attention sur le Darfour. "Il devrait y avoir une augmentation de la prise de conscience. Certains pensent que parce qu'il n'y a pas d'attaques massives, c'est la fin de l'histoire, mais ce n'est pas le cas", a-t-il dit à IPS.

Le génocide continue toujours, ajoute-t-il. Et même si l'ONU a fait quelque chose de très bien et d'important, "l'ONU ne devrait pas laisser le Darfour hors de l'écran radar", a-t-il souligné.

Pendant le conflit qui dure presque trois ans au Soudan, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et plus de deux millions ont été contraintes de quitter leurs maisons.

Le tout dernier rapport du secrétaire général Annan sur le Darfour indique que des éléments critiques d'une approche coordonnée en faveur de la paix dans la région devraient inclure non seulement la réconciliation des factions, mais également des consultations entre l'équipe de médiation de l'UA et les parties soudanaises sur une commission de partage de pouvoir pour la région.