Friday, September 16, 2005

France : Droit à un procès équitable et assistance d'un interprète

Une nouvelle fois, la chambre criminelle a eu l'occasion de se prononcer sur l'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en matière de droit à un procès équitable. L'arrêt du 29 juin 2005 reconnaît en effet qu'un prévenu assisté par un avocat ne parlant pas sa langue n'a pu être en mesure de préparer utilement sa défense.


En l'espèce, le prévenu, de nationalité néerlandaise, était poursuivi en France pour infraction à la législation sur les stupéfiants. L'avocat commis d'office, ne parlant pas la langue néerlandaise, s'était vu refuser auprès du ministère public la désignation d'un interprète.



Les juges du fond ont confirmé cette décision, au motif que l'article 593 du Code de procédure pénale ne prévoit l'assistance d'un interprète que pour l'audience, et non pour les entretiens préalables entre le prévenu et l'avocat. De plus, ils ont estimé que le prévenu pouvait s'entretenir avec son avocat en français par l'intermédiaire d'un codétenu.



Mais l'arrêt est cassé par la Haute Juridiction, au visa de l'article 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Celle-ci rappelle ainsi que le droit à un procès équitable inclut le principe de l'égalité des armes : " tout prévenu a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir dans une langue qu'il comprend, avec l'avocat commis pour préparer sa défense."


Cass. crim., 29 juin 2005, n° 04-86.110, FS-P+F+I

Wednesday, September 14, 2005

France : Condamnation par la CEDH

La France condamnée pour ne pas avoir assuré la protection d'une jeune étrangère tenue en « servitude ». Selon la Cour européenne des droits de l'homme, les dispositions pénales en vigueur à l'époque n'ont pas assuré à la requérante une protection « concrète et effective ».

La requérante, ressortissante togolaise, arrive en France munie d’un passeport et d’un visa touristique. Confiée à une Française d’origine togolaise dont elle devient « la domestique non rémunérée », elle se voit confisquer ses documents de voyage. Elle est ensuite confiée, avec l’accord de son père, aux « époux B. ». Elle travaille alors « sept jours par semaine, sans jour de repos, avec une autorisation de sortie exceptionnelle certains dimanches pour aller à la messe ». Les promesses pour régulariser sa situation administrative ne sont jamais tenues. Ayant réussi à s’enfuir, elle est prise en charge par le comité contre l’esclavage moderne qui entame une procédure contre les époux.

A. - Procédure en droit interne et devant la Cour européenne des droits de l'homme

En dernier ressort la cour d’appel de Versailles, saisie après renvoi par la Cour de cassation, considère que les éléments constitutifs du délit prévu par l’article 225-13 de l’ancien code pénal (abus de vulnérabilité ou d’une situation de dépendance pour la fourniture de services non rétribués) étaient réunis à l’encontre des prévenus. Elle estime cependant que tel n’était pas le cas pour les éléments constitutifs du délit prévu à l’article 225-14 (abus de vulnérabilité ou d’une situation de dépendance, pour soumettre une personne à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine). Parallèlement, le conseil de prud’hommes de Paris attribue une somme importante à la requérante au titre des rappels de salaires.

Devant la cour de Strasbourg la requérante s’estimait victime d’une violation de l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose que nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude, et que nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. Le Gouvernement estimait quant à lui que la requérante ne pouvait plus prétendre à la qualité de victime, la sanction prononcée par la cour d’appel de Versailles devant être considérée comme ayant permis la réparation de la violation, sa situation administrative ayant de plus été régularisée.

B. - Obligation positive de pénaliser l'esclavage et le travail forcé ou obligatoire

La Cour rappelle que l’article 4 consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques, qu’aucune restriction n’y est prévue et qu’il ne souffre nulle dérogation, même en cas de guerre ou d’autre danger public menaçant la vie de la nation. Par ailleurs, elle estime que « limiter le respect de l’article 4 de la Convention aux seuls agissements directs des autorités de l’État irait à l’encontre des instruments internationaux spécifiquement consacrés à ce problème et reviendrait à vider celui-ci de sa substance ». Il en découle nécessairement que cette disposition implique des « obligations positives » au sens de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg : les gouvernements doivent adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent les pratiques visées par l’article 4 et doivent les appliquer.

C. - Qualification du travail forcé et de l'état de servitude

La cour constate, dans un premier temps, que « la requérante a, au minimum, été soumise à un travail forcé » du fait notamment que, mineure dans un pays étranger, « elle était en situation irrégulière sur le territoire français et craignait d’être arrêtée par la police. Les époux B. entretenaient d’ailleurs cette crainte et lui faisaient espérer une régularisation de sa situation ».
Dans un second temps, elle conclut que la requérante a bien été tenue en servitude, « astreinte à un travail forcé […] sept jours sur sept et environ quinze heures par jour […] mineure, elle était sans ressources, vulnérable et isolée, et n’avait aucun moyen de vivre ailleurs que chez les époux [qui la tenaient à leur merci] puisque ses papiers lui avaient été confisqués et qu’il lui avait été promis que sa situation serait régularisée ».

D. - Violation de l'article 4 pour non-respect des obligations positives incombant à la France

La cour va finalement conclure, à l’unanimité, à la violation des obligations positives qui incombaient à la France en vertu de l’article 4 de la Convention, du fait de l’absence de condamnation pénale des auteurs des actes : « les dispositions en vigueur à l’époque n’ont pas assuré à la requérante, qui était mineure, une protection concrète et effective contre les actes dont elle a été victime ». Par ailleurs, la Cour relève que, si la législation française a été modifiée depuis les faits pour prendre en compte ce genre de situation, « ces modifications, postérieures, n’étaient pas applicables à la situation de la requérante ». Cette circonstance est donc sans influence sur la solution du litige.

Source : CEDH, 26 juill. 2005, req. n° 3316/01, Siliadin c. France

Iran : Douze ONG tirent la sonnette d’alarme

Douze ONG au statut consultatif auprès de l'ONU ont publié une déclaration appelant la sous-commission des droits de l'homme de l'ONU à prendre en considération les violations des droits de l'homme en Iran et leur grave détérioration.

Il s'agit notamment de l'Association internationale des avocats démocrates, le MRAP, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, le Consortium international des droits de l'homme, France Libertés, les Nouveaux droits de l'homme.

On peut lire dans cette déclaration publiée en marge de la 57e session de la sous-commission : l'élection de Mahmoud Ahmadinejad comme nouveau président de la république islamique d'Iran et la nomination d'Ahmadi-Moghaddal, un ancien officier des gardiens de la révolution, à la tête de la police signale le retour du pays aux heures noires de la répression. Beaucoup d'observateurs voient dans l'élection d'Ahmadinejad la fin de longues années d'illusions sur la réforme au sein du régime iranien.

Thursday, September 08, 2005

Tunisie : Les organisations de défense des droits de l'homme interpellent Jacques Chirac

Les organisations de défense des droits de l'homme interpellent Jacques Chirac
sur la situation en Tunisie

Associated Press, le 07.09.2005 à 16h38

PARIS (AP) -- Plusieurs organisations de défense des
droits del'homme ont écrit au président français Jacques Chirac pour êtrereçues
au sujet de la situation des libertés en Tunisie, qui, "déjà préoccupante",
vient de "s'aggraver encore" et lui "demander d'user de (son) influence" sur
Tunis.

Lundi, la justice tunisienne a en effet décidé de
suspendre la tenue du Congrès de la Ligue tunisienne des Droits de l'homme,
prévu les 9, 10 et 11 septembre. La LTDH est "encore une fois aujourd'hui la
cible d'une campagne de mesures" visant à la discréditer, précise cette lettre
ouverte signée par la Fédération

internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH), Reporters sans
Frontières (RSF), le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l'homme (REMDH), le
syndicat de la magistrature, le syndicat des avocats de France, l'Association
des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) et la Fondation
France-Libertés.

Elles réclament que Jacques Chirac intervienne auprès de
Zine el Abidine Ben Ali pour que puisse se tenir ce Congrès de la LTDH, que
puisse se créer un syndicat des journalistes tunisiens et que cesse la menace de
dissolution de l'Association des magistrats tunisiens.

Notant que "depuis longtemps en Tunisie", les atteintes à
la liberté d'__expression et d'association, et les persécutions des
journalistes, universitaires, avocats, magistrats "sont d'une extrême gravité",
le groupe d'associations note leur récente aggravation.

Et de souligner également que "les avocats connaissent
depuis quelques mois une répression sans précédent", que des lycéens internautes
ont été poursuivis pour "activités subversives par le biais d'Internet".

Situation "d'autant plus inquiétante que les sévices et la
torture continuent d'être systématiquement pratiqués au cours des
interrogatoires et de la détention des personnes interpellées", poursuit le
communiqué, notant aussi "l'instrumentalisation de la justice tunisienne à des
fins de répression de toute voix discordante".