Saturday, October 08, 2005

Chine : Le régime chinois veut limiter le nombre d'erreurs judiciaires dans les verdicts de peine de mort

LE MONDE | 07.10.05

La Chine détient le record mondial des exécutions capitales : 10 000 personnes par an, au bas mot. Elle semble vouloir en réduire le nombre. Un débat longtemps resté confiné aux cercles académiques chinois à propos de l'exemplarité de la peine de mort et de sa pertinence dans un pays où les erreurs judiciaires sont légion vient de se traduire dans les faits par une décision d'importance : le vice-président de la Cour suprême du peuple, Wan E'xiang, a annoncé, le 27 septembre, que cette instance va se doter de trois nouvelles cours de justice dont le rôle sera de déterminer si les peines capitales prononcées l'ont été à bon escient. M. Wan a précisé que "cette réforme permettra que l'imposition de la peine de mort soit prononcée de manière neutre, sans interférence d'autres départements de l'administration et en évitant l'intervention d'autres pouvoirs".


Il s'agit en fait de redonner à la Cour suprême des prérogatives dont elle s'était débarrassée au début des années 1980. Depuis, les hautes cours de justice provinciales traitaient et décidaient de 90 % des appels concernant les condamnations à mort. A terme, elles ne devraient plus avoir le dernier mot. Officiellement, le régime chinois arguait du fait que sa Cour suprême n'avait pas les moyens techniques et humains de s'occuper des dossiers en appel concernant la sentence ultime.

Cette décision de redonner les pleins pouvoirs à la Cour suprême ne constitue pas totalement une surprise. Outre un débat récurrent sur la peine de mort chez les juristes, de récents éditoriaux dans la presse officielle ont souligné que plusieurs articles de loi stipulaient que l'approbation finale de ladite peine relevait bien de la Cour suprême. Quand on sait le nombre d'aveux d'accusés extorqués sous la torture dans un contexte où policiers, juges et caciques locaux se soutiennent mutuellement en cas d'injustices avérées, la nécessité de ne pas s'en tenir à la décision des cours régionales constitue à l'évidence une priorité. Comme le dit un intellectuel du parti, qui requiert l'anonymat : "Confier l'appel ultime à la Cour suprême est aussi une façon pour le gouvernement central de lutter contre les dérives provinciales..."


"CRIMES ÉCONOMIQUES"


Amnesty International, dans un communiqué daté du mercredi 5 octobre, s'est "félicité" de cette décision en remarquant que cette réforme permettra de "réduire de 30 % le nombre de condamnations à mort". Mais l'organisation de défense des droits de l'homme remarque que, récemment, certains jugements favorables à l'appel de condamnés, rendus par des cours locales, ont été contredits par la Cour suprême au motif que leurs arguments ne permettaient pas de revenir sur la sentence de mort. Amnesty pense que la réforme ne sera donc pas forcément synonyme de "respect des droits de l'homme."

Le débat sur la peine de mort en Chine est plus large : il ne s'agit pas seulement de savoir qui l'applique et qui la justifie in fine ; il s'agit aussi de savoir à qui on l'applique et pourquoi. Il y a quelques mois, le ministre de la justice, Zhang Jun, a déclaré que "la législation pourrait évoluer dans une direction visant à ce que la peine capitale ne soit plus appliquée pour punir certains crimes" .

Certains experts ont même osé soutenir que "l'abolition de la peine de mort est le signe d'une société civilisée" . D'autres se sont demandé s'il faut – ­ comme c'est le cas actuellement ­ – exécuter les responsables de "crimes économiques", c'est-à-dire, notamment, les membres corrompus du parti qui ont pioché dans les caisses de l'Etat dans un contexte où la lutte contre la corruption constitue l'une des priorités du régime. Il en est pour estimer que la mort doit être réservée aux crimes de sang, aux viols, aux kidnappings, au trafic de drogue.

Lors d'un colloque, en décembre 2004, dans la province du Hunan, le professeur Qiu Xinglong avait soutenu que "la loi reconnaît le fait que les criminels sont des êtres humains ; ces mêmes criminels ont le droit de vivre. L'Etat ne devrait donc pas leur retirer ce droit à la vie" . Le vice-ministre de la justice lui avait répondu qu'une réforme du système pénal était nécessaire. Il avait proposé l'éventualité d'incarcérations plus longues, de l'ordre de vingt à trente ans, afin de réduire le nombre de peines capitales.

Autoritaire, le régime chinois se décide malgré tout à réfléchir à l'application du châtiment suprême, à un moment où le nombre d'erreurs judiciaires et de cas de personnes exécutées sans preuves n'est plus ignoré du grand public.



Bruno Philip

Thursday, October 06, 2005

Instruments internationaux des droits de l'homme